Approche géologique

du volcanisme du Massif du Cantal
à partir de la vallée de Brezons

Par Guy Senaud, géologue

Avec ses 2 500 km², le massif du Cantal est le plus vaste édifice volcanique d’Europe. C’est un strato-volcan, c'est-à-dire un empilement, en venues éruptives successives, de produits pyroclastiques (cendres, brèches volcaniques agglomérées en « tuf ») percés d’extrusions de magmas visqueux et alternant avec des coulées de laves, surtout abondantes dans les dernières phases et recouvrant de grandes surfaces (les planèzes). Il s’est édifié pour l’essentiel entre -13 et -3 Millions d’années (Ma), on distingue plusieurs périodes dans l’activité volcanique :

Les premières éruptions basaltiques (-13 à -8,5 Ma)

Les éruptions du Cantal débutent sous la forme de volcans stromboliens disséminés un peu partout. En grande partie masqués par les produits plus récents qui les recouvrent au cœur du massif, ces volcans apparaissent au fond des principales vallées et sur les marges du massif. Dans la vallée de Brezons ils apparaissent sous la forme de coulées basaltiques au niveau du bourg. 

Le volcan trachyandésitique (-10 à -6,5 Ma)

Cascade du Saut de la Truite
Cascade du Saut de la Truite
La phase paroxysmique de ce type de volcanisme se situe entre -8,5 et -7,5 Ma ; elle correspond à la mise en place de laves de nature trachyandésitique, de brèches et formations cendro ponceuses. Ces formations affleurent seulement au cœur du massif et donc dans la haute-vallée de Brezons où ces laves constituent des petites falaises franchies par les ruisseaux au niveau de cascades (cascade du Saut de la Truite).
A la fin de cette période se mettent en place des dômes phonolitiques (Puy Griou, Roc d’Hozières).
L’édification du strato-volcan s’accompagne de plusieurs glissements gravitaires ou avalanches de débris. « Le strato-volcan se construit et se détruit ». Ces formations remaniées affleurent largement en périphérie de l’édifice ainsi que dans les vallées qui l’entaillent. Dans la vallée du Brezons, elles apparaissent depuis le village de Sanissage à l’amont jusqu’à la confluence Brezons/Truyère.
Au niveau du village de Lustrande des dépôts typiques d’avalanches de débris affleurent sur 300m de dénivelé (depuis le fond de la vallée jusqu’à hauteur de Serverette). Cette formation contient de gros blocs ou panneaux de taille décamétrique voire hectométrique, constitués de brèches et de laves trachyandésitiques qui constituent des escarpements ruiniformes. L’avalanche de débris est localement surmontée par des dépôts de lahars (coulées boueuses faisant suite aux éruptions volcaniques) visibles au niveau du hameau d’ Arzaliès.
Cette avalanche de débris de 7 millions d’années a comblé une paléo-vallée du Brezons, déjà affluent de la Truyère et qui avait globalement la même orientation que l’actuelle.

L’ennoiement basaltique (-7 à 3 Ma)

Dans la dernière phase de son activité éruptive, le volcan Cantalien s’est recouvert de vastes chapes de laves fluides solidifiées en basaltes maintenant mises en relief par le creusement des vallées. Cette carapace basaltique qui peut localement atteindre 250m d’épaisseur constitue les planèzes (plateaux volcaniques de forme plus ou moins triangulaires limités par les vallées rayonnantes à partir du cœur du massif).
De part et d’autre de la vallée de Brezons, on trouve la planèze de Cézens (rive gauche) et la planèze de Malbo (rive droite). Les centres éruptifs, ponctuels ou alignés selon des fissures éruptives sont très nombreux et disséminés sur toute la surface des planèzes.

Le Rocher de la Boyle qui domine la vallée de près de 400m de hauteur est un ancien centre éruptif, la roche basaltique qui le constitue a rempli un cratère constituant un lac de lave figée ou « plug ». Une structure de même type constitue l’escarpement rocheux qui domine le bois des plaines basses au niveau de Lustrande. Situés en bordure ou sur le versant de la vallée, les basaltes se sont fissurés et on donné les éboulis rocheux présents au pied de ces structures volcaniques.

Rocher de La Boyle
Rocher de La Boyle

L’érosion de l’édifice volcanique

Cascade de Grandval
Cascade de Grandval
L’édification du massif volcanique du Cantal est terminé autour de -4 millions d’années. Deux millions d’années d’érosion fluvio-torentielle sous climat tempéré suivis de plusieurs épisodes glaciaires ont remodelé le volcan Cantalien lui donnant sa morphologie actuelle avec ses larges vallées rayonnantes en berceau ou auge, héritage paysager de ces glaciations. La vallée de Brezons en est un des plus bel exemple. Chacun des ruisseaux (ruisseaux de Mandre, d’Encloux, de Livernade) prend naissance dans un cirque glaciaire à 1 400m d’altitude avant de dévaler la pente jusqu’à 1 000m d’altitude ; ils se rejoignent alors pour former le Brezons.